Ce bouquin est le témoignage flippant de Rana, qui a grandi entre l’Arabie Saoudite et la Syrie… De quoi se poser des questions sur la condition des femmes dans ces pays.
Ce n’est pas un roman, c’est un cauchemar. Le cauchemar que vivent de nombreuses Saoudiennes. Avec le témoignage de Rana Ahmad (un pseudonyme), intitulé « Ici, les femmes ne rêvent pas » (Ed. Globe), on plonge dans une société où la vie des femmes ne vaut rien. Où elles dépendent entièrement des hommes. Pas de liberté, pas le droit de s’exprimer, leur seule voie et de devenir une bonne épouse.
Et au moindre faux-pas, elles peuvent se faire éliminer.
J’ai sûrement été particulièrement touché par le récit de Rana, car nous sommes nées la même année en 1985. En lisant le témoignage de son enfance et de sa jeunesse entre l’Arabie Saoudite et la Syrie, jusqu’à sa fuite hors de son pays est loin de tous les gens qu’elle aime, je n’ai pas pu m’empêcher de comparer combien son parcours est différent du mien de privilégiée.
Quatrième de couveture
Rana, dix ans, fonce sur son vélo flambant neuf. Heureuse, insouciante, choyée par son père, un vent de liberté lui caresse le visage.
Quinze jours plus tard, c’est terminé. Son vélo est donné à l’un de ses oncles. Encore quelques mois et elle devra, pour être une bonne musulmane aimée d’Allah, porter l’abaya noire sur son corps, le niqab sur son visage et le tarha sur sa tête et ses épaules. Ensuite, ses parents lui trouveront un mari et elle sera condamnée à ne plus rien faire que la cuisine, le ménage et ses cinq prières par jour. C’est la loi.
Il ne reste à Rana que ses yeux pour pleurer et contempler son monde : l’Arabie saoudite des années 2000. Mais sur ce monde, elle porte un regard impitoyable. La frustration sexuelle fabrique des obsédés et des hypocrites. L’obsession et l’hypocrisie transforment les hommes en ennemis de leurs propres sœurs, filles ou épouses. Les agressions et les violences quotidiennes donnent aux femmes l’envie de fuir. Très peu réalisent ce rêve fou.
Rana sera l’une d’elles. Elle n’a jamais oublié le vent de liberté de ses dix ans, elle est prête à tout pour le retrouver et en jouir, et, cette fois, en adulte.
Témoignage glaçant en Arabie Saoudite
C’est le genre de bouquin qu’on ne veut pas lâcher et qui empêche de dormir. Et pourtant c’est le genre de bouquin qu’il faut lire pour se rendre compte que la cause des femmes doit encore avancer – chez nous mais surtout dans des pays où elles manquent totalement de droits. L’obscurantisme et le poids de la tradition expliquent le mépris envers les femmes dans la sphère sociale de Rana. Selon elle, les femmes de familles plus aisées en Arabie Saoudite vivent quelque chose de totalement différent.
Attirée par de trop grandes libertés, Rana subit le poids de l’islam et du manque de toute considération envers les femmes. Elle évolue entre l’Arabie Saoudite où elle vit avec sa famille, et la Syrie, pays d’origine de ses parents, où elle passe ses vacances, et où la situation semble vraiment pire encore.
→ A lire aussi avec des épisodes en Syrie et en Arabie Saoudite: la BD L’Arabe du Futur de Riad Sattouf
Episodes douloureux
Elle raconte son enfance heureuse, et puis dès la préadolescence les freins qui se posent sur son chemin – contrairement à ses cousins de son âge. Plus le droit de faire du vélo. De se promener librement. Elle devient une femme, une condition qui a tout du fardeau. Et elle doit se voiler.
Puis viendra un mariage qui sera désastreux car elle est forcée de vivre avec sa belle-famille, et d’être le larbin de sa belle-mère acariâtre. Avant de les quitter…
Mon père, ce sauveur
Au chapitre des horreurs, des jeunes hommes de sa famille en Syrie lui tendent un piège, pour faire croire qu’elle a un rendez-vous galant (ce qui est totalement impensable pour une femme). Dans la foulée, ils la battent et sont prêts à la tuer – comme elle a soi-disant entaché l’honneur de la famille. Son frère tente aussi de la tuer lors d’un autre épisode, peu avant sa fuite. Je n’arrive même pas à imaginer une société où cela est « normal ».
Ce qui sauve Rana, c’est son père. Tout au long du récit, on sent le soutien infaillible de cet homme, aimant, respectant sa fille et cela malgré ses différences, ne la traitant pas en inférieure car c’est une femme. Il est très émouvant, et rend l’histoire tolérable. Alors que sa mère, au contraire, se sent trahie par les envies de liberté de sa fille et ne la soutient absolument pas.
Fuite vers l’Allemagne
Aujourd’hui installée en Allemagne, la courageuse Rana a tourné le dos à son pays et à sa religion, ce qui est passable de mort chez elle. Elle témoigne sous pseudonyme pour se protéger. Les derniers chapitres montrent combien la vie d’un immigré est difficile, combien il faut de courage pour se reconstruire dans un pays totalement étranger. Sa fuite n’a été possible que grâce à une suite de coups de chances, car elle a rencontré des gens extraordinaires qui lui ont tendu la main. A présent, c’est à elle d’écrire une nouvelle page de son histoire, libérée des entraves.
Son témoignage nous fait aussi réfléchir à la façon dont on accueille les réfugiés, à quel type de choc culturel ils peuvent se heurter, ainsi qu’à une désorientation d’être seuls dans un nouveau pays qu’ils ne connaissent pas.
Cela reste un récit profondément choquant et que je vous recommande de lire si comme moi vous êtes sensible à la cause des femmes autour du monde… A lire pour soutenir ces voix qui osent raconter et s’élever pour dire que non, cela n’est pas normal!
Ce bouquin est publié en français aux éditions Globe, que je trouve excellentes. L’an dernier, j’avais adoré deux autres livres géniaux chez eux, que vous retrouverez dans ce billet!
→ Voir « Ici les femmes ne rêvent pas » sur Amazone
Et ci-dessous, voici d’autres idées de romans avec des héroïnes qui doivent se battre contre leur condition ou le poids de la tradition, et que j’ai tous dévorés…
Dites-moi dans les commentaires si vous connaissez un de ces livres, et si vous êtes aussi touchées par ce type de lecture!
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