Pourquoi il FAUT lire ou voir « The Circle » ? Pour prendre conscience des implications que peuvent avoir nos partages anodins sur les réseaux sociaux… et du pouvoir que prennent les entreprises de high-tech! Ce roman – et le film qui en est tiré – dressent le portrait d’une société dominée par un big brother version 2.0! Vous avez dit flippant?
Le roman de Dave Eggers « Le Cercle » est un technothriller qui donne la chair de poule. Je l’ai dévoré et dois vous le conseiller car c’est un sacré bouquin! En tant que geekette connectée, et utilisatrice de Google, Facebook ou Twitter (comme la plupart d’entre vous certainement!) je me suis facilement projetée dans cette fiction réaliste.
Ce thriller jouissif porte en effet sur les dérives d’une grande boîte numérique nommée « The Circle ». Mélange de Google, Facebook, Apple et consorts, l’entreprise fait miroiter un monde idéalisé… mais le rêve de cette utopie à un arrière-goût étrange, vous le découvrirez si vous lisez le roman.
Dans ce Big brother version « 2024 », deux aspects m’ont horrifiés: le fait que l’héroïne n’ait plus d’intimité ou de vie en dehors du travail, et surtout… qu’elle en fasse le choix volontairement!
« THE CIRCLE »: LES LIVRES ET LES SORTIES
→ Paru à l’automne 2013 aux USA, « The Circle » (soit « Le Cercle) a été édité en français en avril 2016, chez Gallimard. Update:Une version poche à petit prix est sortie en juin 2017 chez Folio!
→ Si vous aimez la langue de Shakespeare, faites comme moi et lisez « The Circle » en VO
→ En juillet 2017, un film de James Ponsoldt avec Emma Watson et Tom Hanks est sorti! Il met en scène cette fiction mais n’a pas que des bons retours… Bande-annonce par ici! J’irai le voir au ciné si je trouve une version en VO à Nancy.
« The Circle » – un thriller technologique
De quoi parle le roman?
Le jour où la jeune Mae Holland est engagée chez « The Circle » grâce au pistonnage d’une amie, elle est consciente de sa chance. L’énorme entreprise de technologie réunit les esprits les plus brillants de sa génération. Elle conçoit de nouveaux outils numériques et invente mois après mois des concepts passionnants pour révolutionner les usages d’internet, et à travers eux toute la société.
Mae fait ses premiers pas au service client, tout en bas de l’échelle. L’expérience est néanmoins enrichissante. Le managing semble axé sur le positivisme et les bureaux se trouvent sur un immense campus près de San Francisco, avec de nombreux privilèges: salles de sports, cantines, soirées, cadeaux…
Or en pénétrant dans le Cercle, cette entreprise idyllique de l’extérieur, le lecteur entrevoit les rouages de son fonctionnement. The Circle apparaît comme un vampire… Les chefs de Mae lui reprochent de ne pas assez sociabiliser avec ses collègues lors des apéros qui ont lieu tous les soirs. Où était-elle ce week-end? Dans sa famille? Mais pourquoi ne pas être restée sur le campus pour profiter des concerts et fêtes organisées? De chantage affectif en chantage affectif, Mae culpabilise et commence à se couper de l’extérieur. Bien vite, sa vie ne tourne plus qu’autour de son boulot.
Y’a-t-il une vie en dehors de l’entreprise? Pas selon la définition de The Circle. Mae tombe dans le panneau et fait tout son possible pour contenter ses chefs et faire partie de ces happy fews qui travaillent au coeur des révolutions numériques de demain.
En plus, quelle aubaine, il y a des chambres très confortables – et gratuites – à la disposition des employés qui travaillent tard et préféreraient passer la nuit sur place. (Argh!)
« SHARING IS CARING »
Or malgré son implication soutenue, Mae se voit reprocher autre chose. Elle n’utilise pas suffisamment le réseau social de l’entreprise. Documenter sa vie et ses idées, cela fait partie de ses devoirs en tant qu’employée de The Circle.
Partager sur le réseau, c’est montrer aux autres qu’ils comptent, c’est faire preuve de générosité. Le slogan de l’entreprise « Sharing is caring » résume cette idée. Mae passe alors un temps fou à sociabiliser avec d’autres humains via le super-Facebook de cette époque future mais pas si lointaine. Il n’est pas très différent du nôtre, avec [tooltip text= »Voilà ce qui rend le livre flippant, c’est que le scénario pourrait se réaliser dans 5 ans. Pire. En fait, il a déjà commencé!
« ]des profils vérifiés comme sur Google+[/tooltip].
Des échanges qui semblent sans consistance, mais qui lui permettent de gagner des points dans le classement des Circlers les plus actifs. Les employés les plus zélés ont en effet un statut spécial et envié au sein de la société de high-tech.
Peu à peu, à force de bonne volonté et de geekage acharné, Mae deviendra ainsi une figure de The Circle. Et ses nuits seront de plus en plus courtes.
Quant à ses excursions à l’extérieur du campus… Elles se font de plus en plus rares.
Et puis, un jour, il y a le drame.
« HIDING IS STEALING »
Une des idées développées par la super-boîte multimédia, c’est qu’en observant les gens en tout temps, grâce à des caméras, on les encourage à se comporter de la meilleure façon possible.
Si vous saviez que vous étiez potentiellement filmés tout le temps, comment vous comporteriez-vous? De manière exemplaire, bien sûr. « Donc si on installe des caméras partout, on éradiquera certains mauvais comportements, » est l’argument du Circle.
Des micro-caméras fabriquées par la boîte sont ainsi déposées par des sympathisants en différents points du globe. Un site internet permet à n’importe qui de découvrir des vues live de différents endroits du monde. Certains acceptent même d’en porter sur eux lors d’expériences particulières. C’est merveilleux! Un jeune paraplégique peut ainsi avoir l’impression d’escalader l’Himalaya par écran interposé.
Le fondateur de cette idée, qui est surfeur, a surtout ratissé les plages des States pour que les sportifs des vagues ne doivent plus forcés de se rendre à la plage pour prendre la température de la mer.
C’est là que notre héroïne Mae Holland, adepte de canoé, éprouve un soir le besoin de faire un tour sur l’océan après une dispute avec sa famille (qu’elle voit de temps en temps). Elle se rend à son club habituel, fermé car il est tard. Mais… un canoé est resté posé contre la balustrade. Mae hésite deux secondes, vérifie que personne ne la voit et part pagayer gaiement, sans gilet de sauvetage.
Quand elle revient, c’est la police qui la cueille, et elle meurt de honte. La responsable du club de canoé, qui la reconnaît comme sa fidèle cliente, parvient à la disculper d’un vol.
Or le mal est fait. L’affaire – pourtant anodine – remonte au boss de Mae, qui la traite d’égoïste pour avoir mis en danger l’affaire de location de canoé, sur un coup de tête.
Bien sûr, il est au courant, comme la police, grâce aux caméras installées sur la plage, qui sont si petites qu’elles échappent à tout le monde.
Mae est prête à tout pour se racheter, et accepte de participer au tout dernier programme lancé par The Circle: BE TRANSPARENT, pour ne plus jamais rien cacher… et devenir le visage de l’entreprise pour le public.
Cela consiste à porter en permanence une caméra sur elle. Une sorte de téléréalité, sauf que le cobaye n’atteint jamais les coulisses et qu’aucun montage n’est possible.
Mae croit s’éclater dans sa nouvelle vie, mais vu de l’extérieur, on a l’impression que l’entreprise vampirise toute son énergie, la coupe de son cercle social et finit par lui voler sa personnalité et son droit à l’intimité.
Un mystérieux jeune homme apparu des caves du campus tente de la convaincre de ne pas se laisser happer par le système. De faire marche arrière. Surtout que la prochaine étape imaginée par The Circle est inquiétante… Arrivera-t-il à lui faire prendre conscience qu’elle se perd et risque de perdre toute la société en cautionnant certaines pratiques?
Chut! Je n’en dis pas plus. Lisez le bouquin le savoir…
Mon avis sur « The Circle »
BIG BROTHER 2024 IS WATCHING YOU
J’ai dévoré ce roman avec anxiété. Ce techno-thriller est tellement ancré dans notre réalité ultra-connectée, que le scénario apparaît comme extrêmement plausible. L’auteur lui-même avoue avoir imaginé des innovations technologiques pour sa fiction, qui ont par la suite été réellement inventées avant la parution du roman.
Dans le livre, Dave Eggers part de la possibilité que les géants du multimédia – Google, Apple, Facebook, etc, deviennent une seule entreprise, super puissante.
Deux aspects m’ont alarmé: la revendication de The Circle de devoir tout savoir sur les gens, en glanant des infos sur internet et de vieilles vidéos de surveillance, grâce à la reconnaissance faciale. De quoi vous donner la chair de poule à chaque fois que vous envoyez un message sur Facebook!
Le côté vain des échanges internet qui font passer des nuits blanches à Mae, l’impression de vide de sa vie alors qu’elle se considère comme une privilégiée super maligne font aussi réfléchir.
L’autre aspect qui m’a fait frissonner, c’est le managing à la cool, avec une pression folle pour passer son temps libre au sein du campus – pourquoi le quitter, vu que c’est le paradis sur terre? – plutôt que de retourner dans la vraie vie.
Tout le monde est jeune, tout le monde sourit, tout le monde a l’air de vraiment vouloir vous aider et on s’appelle par son prénom. Comme à l’Apple Store. ;) En tout cas la dernière fois que j’y suis allée, l’ambiance m’a fait repenser à mon livre. L’angoisse!
« Big brother » a remplacé sa moustache par un sourire et un t-shirt cool, et prétend seulement vouloir vous aider et améliorer votre quotidien… Comment lui dire non?
Et finalement, j’ai apprécié le choix de l’auteur de laisser le lecteur seul juge, en mettant en scène un personnage principal qui embrasse le système avec enthousiasme, sans se poser de questions.
Bref, ce roman captivant a changé ma vision du web, et je vous le conseille chaudement.
[Trouvez The Circle en VO sur Amazone]
Merci à mon frère qui m’a offert cette séance de divertissement et de réflexion 2 en 1! Il est toujours de bon conseil pour ma bibliothèque.
× D’AUTRES IDÉES DE ROMANS À LIRE ×
Et vous, avez-vous peur de Facebook? Ce roman vous fait-il envie?
Si vous l’avez lu, qu’en avez-vous pensé?